« Le dispensaire est juste à côté de l'aéroport, passe voir Julie de ma part », m'avait suggéré Thomas. Je vais comprendre (et subir) la relativité de « juste » et des évaluations insulaires durant la journée...
Du point de vue historique, tout le monde connaît plus ou moins Ouvéa, c'est ici qu'après avoir pris en otages et exécuté des gendarmes, suite aux « événements » démarrés en 1984 pour obtenir l'indépendance de la Nouvelle Calédonie, que 19 membres du FLNKS furent abattus par le GIGN français dans une grotte du Nord (véritable sanctuaire, non accessible).
L'Histoire s'efface devant les éclats de couleurs.
Le panorama, panaché de bleu, blanc, vert et turquoise éclabousse l'iris : long de 55 km pour, au plus, 6 de large, cet atoll (volcan entouré d'un récif corallien dont le centre a disparu) s'impose en vrai paradis sauvage. J'insiste sur le « vrai ». Rien à voir avec l'arrangement humain de Bora Bora.
Si tu tiens vraiment à passer un moment dans un paysage de carte postale en trempant dans un lagon à 30° totalement désert, tu viens à Ouvéa. En couple, ça doit être au top (snif). Voilà. Dans ce décor de cinéma, tu te sens comme dans un désert. En plus seul.
Je le découvre au fil de la journée et mes jambes s'en souviendront longtemps...
9.30, première étape, à 2 km de l'aéroport, le dispensaire, où est censée vivre Julie, seule couchsurfeuse de l'île, infirmière et copine de Thomas de Tahiti. Elle ne m'a pas répondu mais on ne sait jamais... Il est intéressant au passage de constater les conditions de travail du corps médical dans ce type d'endroit.
« La jolie Julie, ? Elle est au téléphone, elle arrive », me répond dans un large sourire une agréable et jeune nurse. Se pointe une blonde aux yeux verts avenante. « Salut, je m'appele Thierry, je suis un ami de Thomas de Tahiti, il m'a dit de te transmettre le bonjour et je t'ai écrit sur le site de Couchsurfing, il y a quelques jours ! » ose-je. « Désolé, je ne connais pas ce site, ni de Thomas », me déboute-t-elle aimablement. En fait, le prénom Julie a dû être très tendance après « l'île aux enfants », elles sont 3 métro au dispensaire, mais la Julie que je cherchais est partie depuis 4 mois...
Au cas où, j'explique ma situation mais ne me fais pas « inviter » malgré des grands sourires. « J'irai PAS dormir chez vous », sans caméra. Pas grave, le camping près du centre de plongée était mon projet initial. Je reprends la route, impressionné par un géant kanak avec une tête de fou et une machette, occupé à débrousser la route. « Bonjououououour !!! », lui-déclare-je d'amour poliment. Mouais, en d'autres temps, j'aurais déguerpi en courant...
Premier essai, à l'arrière d'un pick-up, puis, route du Lagon, un gentil petit vieux et deux grands-mères appartenant à une tribu du nord m'embarque à l'autre bout de l'atoll et, finalement, me dépose à destination, au « Trou des tortues », deuxième étape suggérée. Sur le trajet, je réalise d'une part la taille conséquente de ce joli caillou, d'autre part, que j'aurais dû demander à David le nom de son ami, membre d'une tribu et susceptible de m'héberger, bien qu'il n'ait pas réussi à le joindre.
A Ouvéa, il y a les tribus « du Nord » et celles « du Sud ». Les autochtones n'annoncent pas leur tribus d'appartenance et restent très vagues quand on leur en parle d'où la différence de relativité. « ... Et vous êtes nombreux dans la tribu ? - Ho, oui. A peu près une bonne dizaine. - Ha oui... Il y a beaucoup d'habitants sur l'île ? - Hola plein, nous sommes au moins 2000. » « ... c'est loin Mouli (40 km) ? - Nooon, c'est pas à côté... ». La baffe de l'ethnocentrisme me claque les cuisses fatiguées, nous n'avons pas les mêmes valeurs...
Au bout d'un chemin de terre désert, le « trou des tortues » - mes copines préférées pour les fidèles du blog, est typique, assez impressionnant et désert.
Avec prudence, ma seule amie, j'essaye d'en faire le tour. Même constat qu'hier à l'ïle des Pins : c'est abrupt et limite, question sécurité, si tu glisses, te blesses ou autre chose, il se passera quelques mois avant de retrouver ton cadavre ridicule... Au cours de la journée, cette réjouissante idée reviendra souvent.
Aucune voiture pour me poser route du Lagon, ni après. La marche s'impose donc avec mon sac de 8 kg pendant environ 6 km. Un autre pick-up passe. Niveau « pouce », les gens sont aussi rares que cools et s'arrêtent presque tout le temps. Un gentil pêcheur m'invite à l'arrière de son véhicule et me donne un fruit et une bouteille d'eau pour m'aider à poursuivre. Ben oui, j'ai rien pu acheter, pas vu un commerce depuis mon arrivée. Re-marche.
En fait, les insulaires agissent tous ainsi : ils m'aident volontiers mais ne feront pas 300 m de plus pour me déposer, sympathisent facilement mais, à un certain stade, présentent une facture, s'intéressent aux touristes mais pas plus que ça (l'hôtel Ouvéa Paradise s'en occupe). De plus, c'est la basse saison. Tout ou presque est fermé...
Après avoir pris son phone pour la tente, Starky me dépose devant la Poste à Faayouéa, le centre névralgique municipal de 300 m, où l'on trouve LA banque, LA pharmacie, LE supermarché (un comptoir), une des 7 cabines téléphoniques de l'île... et Le Range Rover de Valérie, responsable de l'unique centre de plongée, qui y est garé. Me confirmant que je peux plonger demain, elle me propose un hébergement au camping (clos) dans le débarras près des sanitaires. Principal problème, les milliers de moustiques, sachant que la Dengue est très présente sur l'île. Hésitation de ma part, mais pour être à 7.15 am demain au centre, je n'ai pas le choix, le moindre hôtel est à 4 km... Je pense négocier avec Starky.
Summum atteint en suivant un chemin non fréquenté et aboutissant sur la plage déserte sur des dizaines de km. Rien à droite, rien à gauche, je tourne, amusé, des vidéos censurées... Facile de s'imaginer en robinson, seul au monde...
A 8.30 pm au paradis, je me retrouve seul dans une pièce emplie de moustiques à attendre le lendemain.
King-Kong peut te casser en deux, un requin blanc t'amputer d'un bras, un T-rex de ta tête, ces grosses bébètes ne m'effraient plus. Le vrai danger est ailleurs, comme l'écrivait Werber. Capables de te filer la Dengue, le Palud, le Chikungunya,... , les insectes sont les plus dangereux. Là, je m'en moque, m'imaginant avec amusement les 12654 moustiques, bruyants et affamés, me tourner autour, les yeux exorbités d'envie, comme on regarde la vitrine d’une boucherie, je tente de somnoler au creux de ma moustiquaire géante.
Sous l'eau, le récif corallien est somptueux et coloré. Nous croisons de près une tortue, des barracudas, un hippocampe tigré, des requins gris, dormeurs et pointes blanches et, d’un peu moins près, un thon aux dents de chien et un napoléon (pas corse). Pas de raie manta, ni de ray ban.
Malgré le courroux provoqué par ce retard et la croix à faire sur les activités envisagées à Nouméa, le temps passe agréablement, j'ai mon nouveau pote de l'aéroport, Wakoïo, 8 ans. Je profite de cette occasion particulière pour lui proposer de mater, avec son regard de gosse en voisin, le Roi Lion que, depuis la mise en scène de Disney, je voulais revoir.
Conclusion, prévoir de la marge entre tes vols, si tu viens en vacances en Nouvelle Calédonie et avis mitigé sur Ouvéa.
Pierre en vrac, pour un problème de scoliose passe me chercher, resto, préparation de sacs, décollage pour les kangourous dans 4h.
Destination prioritaire, l’Australie, ses crocodiles, son bush, ses requins, l’Ayers Rock et ses koalas, se profile. Je n'ai que l'adresse de Marion que je ne connais pas, ça se présente bien...