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vendredi 24 avril 2009

Le Monologue du Dalit.
Rien est cette chose qui possède un nom,
Et un visage, le mien.
Je résume l'abjection,
Je suis un pestiféré sans peste.
Si je suis encore en vie, c'est parce qu'on ne peut me toucher,
Que ma vue incommode mes ennemis.
Mais il y a des signes encourageants,
La distance du dégoût parfois s'estompe :
On viole ma femme ou ma soeur.
Toute impureté se mesure d'après moi.
Je m'étonne parfois qu'avec tant de qualités
J'aie pu vouloir vivre jusque-là.
On a voulu me soulager d'être ce que je suis
En m'appelant "harijan", "enfant de Dieu".
Mon destin dépendrait-il d'un nom ?
J'ai le privilège d'être un savant sans savoir
Car je suis une limite, une butée.
La sagesse des gouffres et de l'infamie.
Je ne peux être au-dessus de personne
Et personne ne peut être au-dessous de moi.
Nombreux sont les hommes qui rêvent d'être d'autres hommes.
N'étant pas un homme, je rêve plus facilement
D'être une chêvre ou un chat.
Parfois même une vache sacrée
Mais c'est par esprit de vengeance.Je personnifie la saleté, et l'on a bien raison :
Je suis très sale.
On a voulu que je sois infâme, j'y suis parvenu.
Mais sans leur aide, c'eut été difficile.
Cela me fait donc douter de mon essence et de mes capacités :
Tant de soutiens pour être si peu...
Pourtant, j'ai d'indéniables vertus,
La cohérence et la diligence.
On me déteste, je me déteste.
Je suis le jugement des plus sages que moi.
C'est la sagesse dont je me contente même si je n'en profite pas.
La Constitution de notre pays dit que je n'existe plus.
Pourquoi me réserve-t-on des quotas ?
Certains pensent que j'ai pu me convertir à l'Islam
Ou la foi en Christ parce que j'y trouvais l'égalité,
Une place au sein de l'humanité.
On se trompe. Elles m'ont séduit
Parce qu'elles parlent de la Fin du monde.
* "Dalit" est avec "pariah" ou "panchama", l'autre nom pour désigner l'"intouchable".

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